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Le « plan Marshall » passe-t-il par une ligne Ottignies-Daussoulx-Rhisnes-Gosselies ?

Ce texte, écrit en octobre 2005, a été proposé, sans succès, à la publication à plusieurs journaux francophones en Belgique. Nous le publions ici pour mémoire.

Dans le cadre du plan de développement des infrastructures de la SNCB, dans la précipitation [1] et en l’absence de tout débat public, le gouvernement wallon s’est prononcé lors de la dernière législature, en juin 2001, sur les investissements qu’il souhaitait voir réalisés sur le territoire régional. Outre la mise à quatre voies des actuelles lignes reliant Bruxelles à Nivelles (ligne 124) et à Ottignies (ligne 161), le gouvernement a demandé la construction d’une ligne nouvelle reliant Ottignies à Gosselies en longeant l’E 411 puis l’E 42 à partir de l’échangeur de Daussoulx avec une gare à Rhisnes, le long de l’autoroute au nord de Namur. Loin d’être une énième chimère, ce projet semble bizarrement avoir aujourd’hui de bonnes chances de se réaliser.

Pourtant cette solution est aberrante.

Tout d’abord, elle prive Namur et Charleroi d’une connexion directe et rapide à Bruxelles à partir des gares urbaines. Les Namurois devront changer de train à Rhisnes, perdant une bonne partie du gain de temps escompté tandis que la desserte de Gosselies depuis le centre-ville et le reste de l’agglomération carolorégienne n’est simplement pas abordée par le projet. Dans le cas de la desserte de Gosselies, le gain de temps sera de surcroît limité par la longueur du tracé (sans parler du fait que les tarifs de la SNCB sont calculés en fonction du kilométrage parcouru). Ensuite, cette nouvelle ligne pose un problème d’exploitation. Il faudra en effet maintenir une desserte sur les anciennes lignes afin de relier les gares intermédiaires ainsi que la gare de Charleroi-Sud. Plutôt que d’améliorer les cadences, le projet risque donc fort de déboucher sur une dispersion de l’offre de transport entre deux alternatives contradictoires. Les usagers devront choisir entre la nouvelle et l’ancienne ligne mais ne pourront profiter des avantages de l’une et de l’autre à la fois.

Il a encore été avancé que le tronçon entre Daussoulx et Gosselies était la première étape d’une nouvelle dorsale wallonne destinée à relier à terme « Bierset à Antoing » (sic). Davantage encore que pour les liaisons entre les grandes villes wallonnes et Bruxelles, cette solution est boîteuse. S’il est vrai que la dorsale wallonne n’offre actuellement pas les connexions rapides et fiables que l’on pourrait souhaiter, il suffit d’imaginer le casse-tête — et le temps — qu’il faudra pour rallier deux centres-ville au gré des correspondances à Rhisnes et Gosselies — et plus tard à Nimy au nord de Mons. Cette ligne ne répondra donc pas aux besoins de déplacements internes à la Wallonie. Là encore, l’entretien et l’exploitation de deux lignes parallèles se révéleront coûteux et inefficaces, d’autant plus que les villes intermédiaires sont nombreuses, peu distantes les unes des autres et que le trafic est plus dispersé que vers la capitale.

Plus fondamentalement, les excellences wallonnes sont en passe d’excentrer Namur et Charleroi par rapport aux infrastructures censées les (dé)servir. Les Français font aujourd’hui la critique des gares TGV construites en plein champs et semblent renoncer à construire de nouvelles « gare-betteraves » [2]. Que l’on considère la question d’un point de vue social, environnemental ou urbanistique, il est évident que le train doit desservir les centres urbains et non des champs de patates. Le projet wallon est à cet égard complètement incompréhensible.

Il existe pourtant des alternatives pour améliorer la situation du rail wallon et des façons plus intelligentes d’utiliser l’argent public. Citons-en deux. Pour améliorer la desserte de ville mosane à moindre coût, la modernisation de la ligne existante entre Ottignies et Namur, évitant toute rupture de charge, s’impose. Son tracé rectiligne ouvre en effet la possibilité d’un relèvement significatif de la vitesse des trains sur le plateau hesbignon. Concernant la desserte de Charleroi, une ligne nouvelle directe le long de l’E19 et de l’A54, avec la création d’une gare dans le nord de l’agglomération — aujourd’hui mal desservie —, constituerait une solution rationnelle et performante. Sa relative facilité de connexion à la gare du midi à Bruxelles et à la ligne Fleurus-Charleroi rend en effet ce projet attractif. Cette alternative permettrait de faire l’économie de la mise à quatre voies de la ligne Bruxelles-Nivelles [3], particulièrement tortueuse et traversant des zones densément peuplées. Elle améliorerait considérablement les temps de parcours depuis Charleroi, créerait une gare à proximité de l’aéroport carolo et dégagerait des capacités pour le RER entre Bruxelles et Nivelles. Bien sûr, ces deux projets devraient être complétés par une rénovation en profondeur de la dorsale wallonne entre Mons et Liège et la prise en considération d’autres besoins en matière ferroviaire, depuis l’axe Bruxelles-Luxembourg jusqu’à la desserte urbaine de l’agglomération liégeoise en passant par la remise en service de lignes un peu trop vite désaffectées.

Il suffit de prendre une carte et d’y reporter le tracé annoncé pour s’en rendre compte : ce projet consiste principalement à relier entre eux des échangeurs autoroutiers et non des lieux de vie. La légèreté, l’absence de vision à long terme et le manque d’imagination des décideurs régionaux — unis pour l’occasion : socialistes, libéraux et écologistes dans le précédent gouvernement, sociaux-chrétiens dans celui-ci — ne sont pas seulement tristement ridicules, ils sont aussi lourds de conséquences pour l’avenir wallon,... dont il est pourtant beaucoup question ces temps-ci

[3Et ce d’autant plus que le projet actuel ne comprend pas une mise à quatre voies sur la totalité du parcours . Un goulot d’étranglement demeurera dans l’agglomération bruxelloise à la hauteur de Forest et d’Uccle où une seule voie supplémentaire sera ajoutée.

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Vers une transbrabançonne des transports publics

Article d’Eric Meuwissen paru dans Le Soir du mercredi 12 avril 1995.

Une table ronde sur les transports en commun pour évoquer notamment l’avenir d’une liaison Est-Ouest

Au fil des ans, les radiales vers Bruxelles ont supplanté les transversales. Et si on les recréait ?

Y a-t-il une demande de liaisons transversales de transports publics, ou cette liaison Est-Ouest est-elle un rêve mythique, un phantasme de certains hommes politiques ?

C’est par cette question que Valmy Féaux, le gouverneur de la province, a inauguré, mardi à Ottignies, la table ronde consacrée aux transports publics en Brabant wallon.

Des relations transversales améliorées, augmentées seraient-elles de nature à donner à cette province une cohérence identitaire plus grande, s’est encore interrogé le gouverneur. Et cela après avoir rappelé la suppression par la SNCB de toute une série de liaisons Est-Ouest.

Il y a peu, un confrère de « Brabances wallonnes » révélait que pour aller d’Ezemaal à Tubize (aller-retour), il avait mis 14 heures et pris pas moins de 11 bus différents.

Rappelant cette expérience, il s’est attiré la remarque suivante de Michel Corthouts, directeur du Tec (Transport en commun) Brabant wallon : Mais vous avez eu de la chance, car quand j’ai fait l’expérience il y a quelques années avec Valmy Feaux, nous sommes partis d’Ezemaal à 7 heures du matin pour arriver à Rebecq à 8 heures du soir. Maintenant, on peut faire l’aller-retour en un jour. C’est une amélioration notoire...

Ceci dit, il faut savoir qu’un Jodoignois qui doit se rendre en bus au Palais de justice de Nivelles mettra 2 h 20 pour parcourir la soixantaine de kilomètres séparant les deux villes. Alors à quand cette fameuse liaison ?

Pour Michel Corthouts, un tel projet de transversale rapide est actuellement mûri au sein des services du Tec. Mais ce dernier attend les résultats de l’étude de mobilité commandée en 1992 à l’ULB avant de se prononcer. Une étude qui devrait être finalisée à l’automne prochain et qui dira si cette transversale répond à un réel besoin du public. Quoi qu’il en soit, Michel Corthouts à précisé que la réalisation d’une transversale entre Jodoigne et Tubize (à raison d’un bus par heure entre 6 et 20 heures) coûterait 38,9 millions et représenterait 608.000 km/an en plus pour le Tec BW.

De son côté, le directeur général de la SNCB, Jean-Pierre Van Wouwe a expliqué qu’une liaison Est-Ouest par rail, comme celle qui existait partiellement il y a une trentaine d’années, était en dehors des possibilités économiques d’un transport public qui se doit d’être rentable.

Par contre, il a rappelé qu’il n’y avait aucune impossibilité technique à aménager les anciennes lignes ferrovaires en site propre pour les bus.
Pour le reste, il est évidemment impossible de balayer les nombreuses réfexions qui émaillèrent cette table ronde ».

Signalons au passage l’idée du député-bourgmestre de Jodoigne, Louis Michel, de faire du Tec l’opérateur principal en matière de politique de transports en Brabant wallon. Un Tec qui aurait pour partenaire les communes, la province, l’IBW (Intercommunale du Brabant wallon) sans oublier le monde économique.

Fait symptomatique, la problématique du RER (réseau express régional) et des 80.000 navetteurs n’a été abordée par personne.
En attendant cette hypothétique transbrabançonne, Jean-Pierre Van Wouwe a précisé que la nouvelle gare d’Ottignies, promise en 1995, sera vraisemblablement commencée en 1996.

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